Quatre mois de procès pour la tragédie du Concorde
Par Reuters - Hier, 23h42
PARIS - La compagnie aérienne américaine Continental Airlines, deux de ses employés et trois personnalités de l'aéronautique française sont jugés à partir de ce mardi pour l'accident d'un Concorde qui avait fait 113 morts en juillet 2000 à Gonesse (Val-d'Oise).
Cette catastrophe avait mis fin prématurément à la carrière du supersonique, qui reste à ce jour l'avion de ligne le plus rapide de l'histoire. Il a volé pour la dernière fois en octobre 2003, après 27 ans de carrière.
Comparaîtra notamment Henri Perrier, 80 ans, personnalité marquante de l'histoire du Concorde. Il a préparé son lancement dans les années 1960, avant d'être directeur du programme Concorde à l'Aérospatiale de 1978 à 1994.
Jacques Hérubel, 74 ans, ingénieur en chef de ce programme de 1993 à 1995, sera également devant le tribunal, ainsi que Claude Frantzen, 72 ans, une des principaux dirigeants de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) de 1966 à 1994.
Le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d'Oise) siégera jusqu'à fin mai, pour déterminer si les prévenus peuvent être condamnés pour "homicides et blessures involontaires", avec d'importants enjeux financiers à la clef.
La compagnie Air France, plusieurs syndicats et certaines des familles des victimes sont en effet parties civiles et devraient réclamer d'importantes indemnisations.
Les prévenus nient les accusations et plaideront la relaxe.
Le 25 juillet 2000, un Concorde d'Air France transportant 109 passagers, en majorité allemands et membres d'équipage, s'était écrasé, peu après son décollage de Roissy, sur un hôtel de Gonesse, y tuant quatre de ses occupants.
L'enquête explique l'accident par l'éclatement d'un pneu avant droit du Concorde, provoqué au décollage de Roissy par une lamelle en titane de 43,5 cm, une "bande d'usure" tombé d'un avion de Continental Airlines qui avait décollé juste avant.
Selon ce scénario, des débris du pneu projetés contre l'aile et dans le réacteur du Concorde ont endommagé la propulsion et provoqué une perforation d'un réservoir ainsi qu'une fuite de kérosène, ce qui a causé un incendie fatal.
UN AUTRE SCÉNARIO ?
La société Continental Airlines, John Taylor, un de ses techniciens et Stanley Ford, son chef d'équipe, se voient reprocher de n'avoir pas fixé dans les règles la "bande d'usure" sur l'avion, et d'avoir choisi pour la façonner un matériau inadapté, le titane.
Leur avocat, Me Olivier Metzner, a présenté dans les médias avant le procès un argumentaire jamais soutenu à l'instruction, selon lequel l'incendie fatal au Concorde s'est déclenché avant le passage sur la lamelle.
Il s'appuie sur 28 témoins oculaires, dont des pompiers et des pilotes, qui selon lui accréditent cette version. "La version de ces témoins dérangeait, et les juges ont construit leur vérité", a dit Me Metzner à Reuters.
Me Metzner souligne qu'à la différence de la compagnie américaine, le groupe EADS, qui a succédé quelques jours avant l'accident à Aérospatiale, a échappé à une mise en examen, pour des raisons juridiques.
Le transporteur Air France n'a pas été mis en cause non plus, bien qu'il ait été découvert qu'une pièce manquait sur le train d'atterrissage du Concorde, en raison d'un oubli. Ce point a été jugé sans conséquence par l'instruction.
L'enquête a par ailleurs retenu comme cause indirecte de l'accident la négligence de l'avionneur et des autorités de contrôle à imposer des modifications de la structure du Concorde, point dont répondront Henri Perrier, Jacques Hérubel et Claude Frantzen.
La dangerosité de cet avion a été en effet connue peu après sa mise en service en janvier 1976 par Air France et British Airways, les deux seules compagnies qui devaient l'adopter.
Près de 80 incidents de pneumatiques avaient été répertoriés entre 1979 et 2000 sur Concorde, avec sept cas de perforations de réservoirs, notamment le 14 juin 1979 à Washington, où une catastrophe avait été évitée de justesse.
Selon l'accusation, les modifications nécessaires auraient été envisagées mais pas mises en oeuvre, pour des raisons financières, le Concorde, mythique mais jamais rentable, étant promis à la retraite de toutes façons.
Edité par Laure Bretton